Police judiciaire

La mission de police judiciaire consiste à constater les infractions à la loi pénale, à en rassembler les preuves et à en rechercher les auteurs. Rien que ça.. Elle est accomplie en France par trois services, deux de la police nationale et un de la gendarmerie nationale, dépendant fonctionnellement du ministère de l’Intérieur.

D’accord sauf qu’elle est exercée sous la direction quotidienne du procureur de la République ou celle d’un juge d’instruction, donc de l’autorité judiciaire. Cette double tutelle n’est pas satisfaisante. Il est clair que les officiers et agents de police judiciaire sont tentés d’informer leur hiérarchie administrative, dont dépend leur carrière, avant l’autorité judiciaire. Est-il normal qu’un ministre de l’Intérieur se voit poser par un policier la question de savoir quand il « devra » transmettre un document au magistrat qui l’a commis pour procéder à une enquête dans une affaire politico-judiciaire? Non.

Il faut mettre les services de police judiciaire, pour leur emploi, à la seule disposition des magistrats.

Affaires

Inutile de les commenter, elles parlent d’elles-mêmes. Jamais dans l’histoire de la Vème République française, elles n’auront été aussi nombreuses en si peu de temps.

S’il n’y a jamais de hasard quand les affaires sortent, la victime de cette fatalité est toujours la même : c’est la France. Il faut aux Français une immense vertu démocratique pour ne pas s’écrier « Tous pourris! »

Ce ne serait là qu’un sinistre polar si n’étaient éclaboussés, pour leur complicité ou leur silence coupable, ceux-là mêmes, de gauche et de droite, qui nous ont menés depuis trente ans vers le gouffre financier. Affairés d’un côté à remplir leurs caisses électorales, ils ont aussi, de l’autre, vidé celles de l’Etat.

Le citoyen cherche un homme, un homme d’Etat apte à redresser le pays, qui ait une éthique personnelle irréprochable, le courage de lui dire la vérité et le goût du sacrifice. Cet individu providentiel n’existe pas parmi les présidentiables aujourd’hui déclarés, et sans doute l’électeur en sera-t-il réduit à choisir le moins mauvais des prétendants. Mais pour combien de temps encore?

Liberté de la presse

Reporters sans frontières (ONG fondée en 1985, reconnue d’utilité publique et ayant un statut consultatif à l’ONU) a classé la France au 44ème rang mondial pour la liberté de la presse en 2010 (13 des 27 membres de l’UE sont dans les 20 premiers).

Une loi « relative à la protection du secret des sources des journalistes » – sans lesquelles l’information ne peut être ni obtenue, ni recoupée, ni diffusée – précise pourtant qu’il « ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. »

En effet, je crains que les gouvernements confondront encore « but légitime » imaginé par le législateur et raison d’État.. Il serait indispensable d’encadrer une pareille atteinte.

Transparence financière

54 voix contre 33. L’Assemblée nationale a adopté la suppression de la peine de prison encourue par un député qui mentira sciemment sur ses revenus. Le président du groupe UMP avait même considéré que « les élus ne doivent pas relever d’une justice d’exception » (en séance publique), s’opposant à la création de toute incrimination pénale d’un parlementaire fraudeur tandis que le Premier ministre y était favorable..

Toutes les atteintes à la confiance publique sont passibles d’emprisonnement pour un citoyen ordinaire. De surcroît, un parlementaire a une obligation d’exemplarité qui impose une peine exemplaire. Lorsqu’on commet un délit, l’amende à payer correspond à dix, vingt ou cent fois le revenu mensuel. Pour un député, six fois dans ce cas.

Au nom de quoi peut-on refuser la moralisation de la vie politique française?

Affaire de Bobigny

Victime d’une dénonciation calomnieuse commise par un élu en 2005 qui a entraîné l’interruption de ma formation d’infirmier à une année du diplôme d’état, je suis certain que le pouvoir politique ne serait pas intervenu en ma faveur et c’est bien normal.

Coupables de dénonciation calomnieuse et de faux en écriture publique – infraction passible de 15 ans de réclusion criminelle et 225 000 euros d’amende lorsqu’elle est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique – des policiers ont été défendus publiquement par un préfet puis un ministre et c’est inacceptable.

Faut-il rappeler à un responsable politique de ce niveau que le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs interdit à l’exécutif de s’immiscer dans le fonctionnement de l’autorité judiciaire? Ces ingérences cesseraient dans l’intérêt de tous.

Affaire Bettencourt

Le désaisissement d’un magistrat est un acte grave, celui d’une juridiction encore plus. La décision de dépayser l’affaire Bettencourt à Bordeaux ne donne pas une bonne image du service public de la justice, d’autant qu’elle aurait franchement pu être instruite à Paris disposant des moyens d’enquête nécessaires.

Cette affaire devenue politico-financière renforce en tout cas le rôle du juge d’instruction dans la procédure pénale française. Il est d’ailleurs souhaitable de généraliser l’instruction de ce type d’affaire par plusieurs juges indépendants du pouvoir politique et de spécialiser les juridictions en la matière.

Il me paraît en effet difficile de dire que le Ministère public français présente toutes les garanties d’indépendance nécessaires pour assumer la charge des investigations pénales portant atteinte à l’exécutif. Le pouvoir ne choisit pas ses juges dans une démocratie.

Secret défense

La loi ne permet pas aux magistrats, même pour les besoins de leurs enquêtes, de prendre connaissance de documents classifiés sans l’accord de l’autorité administrative compétente et avant l’avis consultatif d’une commission spécialisée (CCSDN).

Par ailleurs depuis 2009, la loi ne leur permet pas non plus de perquisitionner dans des lieux classifiés sans autorisation de l’exécutif – il l’avait accepté à la DGSE dans l’affaire Ben Barka – mais aussi dans tout lieu « susceptible d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense » en l’absence du président de la CCSDN.

L’exigence démocratique minimale requiert l’existence de procédures permettant de prévenir la confiscation par l’administration de l’usage de la notion de secret-défense, pour ne pas porter atteinte à des prérogatives de l’autorité judiciaire et au principe de la séparation des pouvoirs. Certains de nos voisins européens ont confié à un juge le soin de contrôler l’accès à ce secret.

Politique et justice

Jacques Chirac est poursuivi des chefs de «détournements de fonds publics» et d’ « abus de confiance » pour 21 emplois de complaisance présumés payés entre octobre 1992 et mai 1995 par le cabinet du maire de Paris.

Même si le RPR devenu UMP en aurait bénéficié, quelle image donne un tel parti politique de surcroît présidé par l’actuel chef de l’Etat entre 2004 et 2007, en remboursant en l’absence de toute décision judiciaire trois quarts de la facture, soit 1,7 million d’euros d’argent public, et cela plus de quinze ans après les faits? Quelle image renvoient également le chef du gouvernement et la ministre de la justice, présents au bureau politique chargé de valider cet accord avec la ville de Paris?

Cette attitude inédite de la part de responsables politiques de premier rang est une erreur grave dont le prix a été sous-estimé. Elle finit la dévalorisation des partis si elle est confirmée par le conseil de Paris.

Attentat de Karachi

Il y a un peu plus de 8 ans, une voiture a explosé à côté du bus transportant les personnels de la DCN qui devaient être acheminés vers l’arsenal de Karachi où ils travaillaient à l’assemblage du 3ème sous-marin Agosta vendu par la France au Pakistan, faisant 14 morts, dont 11 français, et 12 blessés. « La République honore la mémoire des victimes de ce drame. Elle sait ce qu’elle leur doit et ne l’oubliera pas. » (Jacques Chirac 13 mai 2002)

Or, la majorité des parlementaires a refusé la constitution d’une commission d’enquête pourtant plus efficace qu’une mission d’information. Cela aurait facilité la remise de la totalité des documents classifiés. Je regrette qu’une logique majoritaire prime sur la logique parlementaire. Le rôle du Parlement est double dans une démocratie équilibrée : légiférer bien sûr, mais aussi contrôler l’exécutif. Les élus de la nation manquent trop souvent de courage politique pour exercer leur deuxième mission. Pourtant les moyens existent..